Et puis…
Et puis, il y a eu beaucoup de cartons dans l’appartement. Et puis, les pièces se sont vidées.
On s’occupait moins de moi… mais ce n’était pas grave. Ils étaient occupés, je comprenais.
Et puis, j’entendais parler d’une maison avec un jardin, qu’il y aurait des enfants bientôt …
Et puis… Je nai pas compris.
...
Le dernier carton est parti. Le monsieur m’a prise dans les bras et on a descendu l’escalier.
Cet escalier qui m’intriguait tant et où je navais pas le droit d’aller…
On est sortis. Et moi jétais toute apeurée parce que je ne connaissais pas dehors…
Il y avait de grands bâtiments. C’était immense en bas… Moi je voyais ça de mon 4ème étage.
En bas, ca faisait peur. Il m’a posée par terre… Et jai trouvé bizarre la sensation de l’herbe sur mes coussinets habitués à la moquette…
Une voiture a démarré juste à coté de nous, j’ai couru sous un buisson pour me réfugier…
Je suis restée longtemps sous le buisson. Jai attendu la nuit …
Quand je suis sortie le monsieur était parti… Jai attendu… Des jours entiers qu’il revienne me chercher. Il mavait certainement oubliée… J’ai attendu… sous mon buisson.
Et j’ai eu faim alors je suis allée vers les gens que je croisais.
Certains étaient gentils et m’ont donné des caresses et à manger. Un peu.
Mais d’autres m’ont chassée… m’ont frappée. Jai attendu… ai fait connaissance avec les chats du coin. Des chats faméliques qui m’attaquaient…J’ai fait connaissance aussi avec les chiens… Plusieurs fois ils ont failli m’attraper et me tuer. Par chance j’ai réussi à leur échapper.
Je voyais parfois des gens avec ces chiens…Jai attendu. Longtemps.
Jai perdu mon joli collier, avec sa clochette. Jai eu des bébés moi aussi, plusieurs fois, mais peu ont survécu…Jai attendu. Et je suis tombée malade. Les yeux. J’avais si mal quà force de me gratter, jai perdu un oeil… Lautre, je n’y voyais quasiment plus… Alors je suis restée sous mon buisson. Des gens gentils me donnaient à manger, juste à coté du buisson. Mais vous savez, dans ce quartier les gens comme les chats sont miséreux… Personne ne pouvait me soigner.
Et puis un jour, alors que je sentais la fin peut-être arriver bientôt, j’avais perdu mes derniers chatons depuis peu d’une fausse couche, un monsieur est arrivé. Un jeune monsieur. Et bien que je nétais plus très belle, borgne, le poil miteux, il m’a câlinée, m’a nourrie quelques jours.
Il a regardé mes yeux et a pleuré… Jai appris qu’il était étudiant en médecine.
Et qu’il ne pouvait pas me recueillir, lui aussi… Et que c’est ça qui le faisait pleurer.
Il faisait chaud ce jour là. Une jeune femme est arrivée avec ce monsieur. Elle avait une caisse. Je me souviens petite que les gens avaient une caisse comme celle là… alors je suis rentrée dedans. J’étais si fatiguée…Le voyage a été long. Il faisait très chaud dans la voiture.
J’avais peur, j’avais soif. Je miaulais. La jeune femme me parlait, je me souviens.
On est arrivé quelque part où on m’a soignée durant plusieurs jours.
Je n’étais pas heureuse au départ en cage mais la dame était gentille, me nourrissait bien…
Elle a soigné mon oeil. A présent j’y vois un tout petit peu mais très mal. Elle m’a opérée aussi. Javais un reste de placenta pourri dans l’utérus suite à ma fausse couche… Cela m’aurait tuée.
Et ces années dehors à me battre contre les chats et les chiens m’ont laissé en souvenir le fiv, le sida du chat…. Aujourd’hui encore je déteste les chats et les chiens. J’en ai très peur.
...
Maintenant je vais mieux. Je suis dans une association qui prend soin des chats comme moi, malades ou sauvages. Moi je ne suis pas sauvage. Jaime beaucoup les câlins…
Nous sommes nombreux là-bas. Roméo, Baloo (lui a très peur des gens… il n’a pas connu comme moi petit la chaleur d’un foyer.) Je me repose. Et je n’attends plus le retour de ce monsieur…
Il ne reviendra jamais. Parfois je pense à mes frères et soeurs… Que sont-ils devenus, eux ? Attendent-ils eux aussi un monsieur ou une dame ? Un jeune étudiant en médecine pleurera-t-il sur leurs yeux malades ? Une jeune femme fera-t-elle 200 kilomètres en voiture pour eux ?
Ma maman serait bien triste d’apprendre mon histoire… Et les gens qui l’adorent aussi…
Ils disaient qu’ils la feraient opérer après une portée…
ils ne pensaient pas que les gens à qui ils m’avaient confiée feraient cela. Ils étaient si gentils … Le jeune étudiant en médecine m’a baptisée Cosette car j’habitais rue Victor Hugo.
Cosette, j’aime bien.
J’ai pensé à mes bébés ... à ceux qui ont survécu. Peut-être ont ils été adoptés …
S’il vous plaît, vous qui les avez recueillis, faites les stériliser. Ils n’auront pas de chatons qui vivront ce qu’a vécu leur grand-mère…
Cosette